Lire Mathieu Bock-Côté : Régime diversitaire, totalitarisme et l’extrême droite introuvable (troisième partie)

--- 7 juillet 2024

À quoi bon, alors, chercher la définition de quelque chose qui n’existe pas ?

Photo Janko Ferlič via Unsplash

« C’est une mauvaise méthode que de partir des mots pour définir les choses. »
Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale

Aux lecteurs et lectrices qui s’apprêtent à lire le long texte qui suit, je dois une explication. Il s’agit de la troisième et dernière partie d’un exercice de lecture que j’ai commencé il y a quelques semaines. Je me proposais alors de lire le plus récent essai de Mathieu Bock-Côté, Le totalitarisme sans le goulag, dans lequel il sonne la charge sur plusieurs fronts, et pas les moindres. Je vous invite donc, si ce n’est déjà fait, à lire d’abord la première et la deuxième partie, dans lesquelles je pointe plusieurs soucis de méthode. J’y remets aussi en question l’idée qui est la sienne, à savoir que l’État de droit libéral n’est désormais que la façade décorative d’un régime diversitaire animé par une tentation totalitaire.

Au cœur de son exposé, on trouve l’idée suivante, sur laquelle il fonde l’essentiel de sa théorie : c’est en « extrême-droitisant » ses opposants, afin de les réduire au silence, que ce régime verse dans le totalitarisme. En usant de cette insulte déshonorante, les élites dirigeantes parviennent à mettre à l’index des idées et des discours qui, si on se donnait la peine de les écouter avant de les disqualifier, pourraient représenter une planche de salut d’une civilisation occidentale en déclin.

Évidemment, Mathieu Bock-Côté doit d’entrée de jeu affronter une question difficile : qu’est-ce que l’extrême droite ? C’est en ces termes qu’il pose ce problème :

« Dans le premier chapitre, je reviendrai justement sur ce que le présent régime nomme l’extrême-droite, qu’il nous conjure de combattre, sans jamais parvenir à la définir adéquatement. Qu’est-ce que le régime diversitaire appelle l’extrême-droite ? Qu’est-ce qui fait d’une idée qu’elle est d’extrême-droite ? Que dit-on d’un homme lorsqu’on dit qu’il est d’extrême-droite ? Quelle est la fonction de la catégorie « extrême-droite » dans le régime diversitaire ? Il s’agira d’explorer les mille facettes d’un concept absolument central de la politique contemporaine mais qui devient toujours plus insaisissable pour peu qu’on s’en approche. » (Le totalitarisme sans le goulag, p.35)

(Je me permets ici une petite note au lecteur. Tout au long de cet ouvrage, « extrême-droite » est écrit avec un trait d’union, ce qui est une erreur d’orthographe. On remarque cette curiosité même dans les citations d’auteurs et les titres d’ouvrage donnés en référence où cette faute n’est à l’origine pas présente. Je le souligne simplement pour signaler que l’ai laissé les textes tels quels.)

En s’aventurant dans les sentiers que laissent entrevoir ces questions, Mathieu Bock-Côté se lance dans une quête qu’on sait à l’avance infructueuse. Le titre du chapitre annoncé, « l’extrême droite introuvable », englobe à lui seul la conclusion qu’il résumait dans les pages du Figaro à l’occasion de la sortie de son livre : « J’ai cherché désespérément une définition convaincante de l’extrême droite, je ne l’ai pas trouvée ».

Par quel chemin est-il passé ? Comment a-t-il fait le tri ? Sur la base de quels critères a-t-il rejeté l’ensemble des tentatives de définitions des nombreux et divers auteurs qui se sont intéressés à cette question au cours de l’histoire ?

C’est en vain qu’on cherchera des réponses à ces interrogations en parcourant les pages de son ouvrage. On sait qu’il n’a pas trouvé, mais on ignore ce qu’il a bien pu chercher, et surtout comment.

Après avoir mentionné quelques idées générales concernant le problème de la définition de l’extrême droite empruntées à l’historien Nicolas Lebourg et indiqué le fait que Stéphane François, dans sa Géopolitique des extrêmes droites, reconnaissait qu’il s’agissait d’une notion « profondément polysémique » qui, pensée au singulier « n’existe pas », il suppose tout bonnement que les études sur l’extrême droite rassemblent un cercle d’amis où chacun s’emploie à valider les théories de ses camarades sans jamais se mettre à la tâche pour déployer une problématique digne d’intérêt.

« Il se pourrait bien, nous dit-il, que ce champ scientifique particulier que sont les « études sur l’extrême-droite » tienne pour acquis la validité d’une catégorie qu’il s’agirait justement de problématiser, et qu’il se laisse hypnotiser par un cercle de légitimation — et cela encore plus lorsque ces études prennent la forme d’observatoires se réclamant de la vigilance démocratique. Chose certaine, la béance est là : voilà un terme qu’on cherche à tout prix à coller à des gens qui n’en veulent absolument pas. » (Le totalitarisme sans le goulag, p.43)

Cette hypothèse, qui ne sera jamais remise en cause ni démontrée de quelque manière que ce soit, mérite qu’on s’y arrête.

En référant aux recherches de Stéphane François Mathieu Bock-Côté se contente d’en extraire cette idée :

« Le même aveu vient d’un autre chercheur spécialisé sur le sujet : “[…] l’extrême-droite en soi n’existe pas. Cette expression, si elle ‘parle’ aux gens, est en fait profondément polysémique et recouvre des réalités différentes, notamment au niveau des discours et des contenus. Cet univers est éclaté et profondément pluriel : il y a des extrêmes droites, chaque tendance ayant ses valeurs et des référents intellectuels qui lui sont propres, aux positions antagonistes sur certains sujets et aux rapports parfois (très) conflictuels les uns par rapport aux autres. Nous l’utiliserons néanmoins pour des raisons pratiques.” » (Le totalitarisme sans le goulag, p.43)

Cette citation de l’ouvrage de Stéphane François se trouve à la première page de son introduction. Cet auteur, en annonçant l’objet de sa recherche, précise qu’il utilisera l’appellation «extrême droite», malgré la polysémie qui pose problème, afin de référer à des réalités multiples.

Cette précision étant considérée comme un « aveu » pour Mathieu Bock Côté, il ne lui en faut pas plus pour asseoir son argumentaire : Voilà ! Même les chercheurs l’avouent, le concept d’extrême droite n’a de valeur que parce qu’ils y réfèrent eux-mêmes ! 

Quels sont donc les discours, les contenus et les mouvements que Stéphane François nous propose d’explorer au cours des 200 pages qui suivent dans son ouvrage ? Quels sont les objets qu’il a observés et comment, malgré la polysémie, parvient-il à les faire tenir ensemble ?

Nous n’en saurons rien.

J’attire votre attention sur ce passage, car il permet de mettre en évidence le procédé rhétorique mis en place par Mathieu Bock-Côté, qui tient lieu de méthode dans son exposé : il ne démontre pas, il montre. Son travail ne consiste pas à guider le lecteur à travers un processus de compréhension qu’il aurait lui-même parcouru, il lui suffit de pointer ce qu’il considère comme des évidences. Il est aux phénomènes sociaux ce que le guide touristique est à l’histoire.

Je me permets ici de répéter, au risque de la longueur, les quelques questions auxquelles il se propose de répondre.

« Je reviendrai justement sur ce que le présent régime nomme l’extrême-droite, qu’il nous conjure de combattre, sans jamais parvenir à la définir adéquatement. Qu’est-ce que le régime diversitaire appelle l’extrême-droite ? Qu’est-ce qui fait d’une idée qu’elle est d’extrême-droite ? Que dit-on d’un homme lorsqu’on dit qu’il est d’extrême-droite ? Quelle est la fonction de la catégorie « extrême-droite » dans le régime diversitaire ? Il s’agira d’explorer les mille facettes d’un concept absolument central de la politique contemporaine mais qui devient toujours plus insaisissable pour peu qu’on s’en approche. » (Le totalitarisme sans le goulag, p.35)

Voyez-vous ce qui se passe ici ? Il n’est pas question pour Mathieu Bock-Côté de s’intéresser aux phénomènes observables que des chercheurs ou des observateurs, à tort ou à raison, ont pu considérer comme étant d’extrême droite ni de faire état de leurs recherches et arguments afin d’en proposer une critique.

C’est le discours du « régime » qui l’intéresse : qu’est-ce que le régime diversitaire appelle l’extrême droite ?

On sait, par ailleurs, que « le régime », qui tangue invariablement vers le totalitarisme, arrive à se constituer comme tel en extrême-droitisant ses adversaires. Cette idée est posée explicitement d’entrée de jeu. Je le cite :

« Je nommerai extrême-droitisation cette technique singulière de verrouillage du débat public consistant à ramener à l’extrême-droite toute forme de désaccord substantiel avec le régime diversitaire. La seule existence avérée de l’extrême-droite est dans le discours de ceux qui prétendent la combattre et qui modifient sans cesse sa définition en fonction de l’ennemi du moment, généralement ceux qui résistent aux nouvelles étapes du “progrès” portées par le régime diversitaire.»

La conséquence de ces deux prémisses est évidente : tous ceux qui observent des phénomènes sociaux en se demandant s’ils ne contribuent pas à élargir notre compréhension de ce qu’on nomme « extrême droite » doivent être congédiés pour cause de complicité avec le régime. Aucune issue n’est possible, car, comme l’a déjà posé Mathieu Bock-Côté : « La seule existence avérée de l’extrême-droite est dans le discours de ceux qui prétendent la combattre ».

À quoi bon, alors, chercher la définition de quelque chose qui n’existe pas ?

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Il y a un hic, toutefois, et les récents événements qui ont secoué la France nous donnent l’occasion de nous en rendre compte. Permettez-moi de sortir ici un instant du livre de Mathieu Bock-Côté pour jeter un regard à l’actualité.

Comme on le sait, le Rassemblement national (RN) présidé par Marine Le Pen, parti héritier du Front national qui fut présidé par son père, Jean-Marie Le Pen, s’est positionné largement en tête des élections européennes, ce qui a donné lieu à un cataclysme politique. Le président Macron, par un étonnant coup de dés, a choisi de dissoudre l’Assemblée nationale, avec pour effet de provoquer des élections législatives. Au moment où j’écris ces lignes, la campagne électorale, largement dominée par les thématiques du RN arrive à son terme.

Pour Mathieu Bock-Côté, c’est l’occasion, encore une fois, de proclamer que : « Ceux qui parlent d’extrême droite ne comprennent rien à rien »

Dans cette chronique publiée dans le Journal de Montréal, il résume ainsi, en moins de 500 mots, l’évolution des idées sur l’extrême droite au cours des 60 dernières années en occident tout en tentant d’expliquer l’émergence du Front national en France depuis sa fondation en 1972.

Lisons ce qu’il nous dit.

« À partir du début des années 1980, les pays européens commencent à prendre conscience des problèmes liés à l’immigration. C’est le cas en Grande-Bretagne, mais surtout en France. »

Certes, ces problèmes n’ont pas l’ampleur qu’ils ont aujourd’hui, mais ils sont déjà perceptibles. C’est en s’emparant de cette question qu’ils émergeront — bien qu’alors, ils portaient aussi un discours socialement conservateur, en réaction aux transformations sociales des années 1960 et 1970. »

Présenter la proposition originelle du Front national tout bonnement comme un « discours socialement conservateur en réaction aux transformations sociales des années 1960 et 1970 » relève de la prestidigitation idéologique.

Cette histoire est bien connue et largement documentée. Le Front national est né à l’initiative du mouvement Ordre nouveau, dans lequel se sont rassemblés à la fin des années 60 des militants issus de divers groupuscules radicaux d’allégeance néofasciste et nationaliste révolutionnaire. On se limite souvent, en rappelant les origines du parti, à mentionner la présence d’au moins deux anciens Waffen-SS parmi les fondateurs pour marquer une filiation avec les pires idées du 20e siècle. Évidemment, un tel souvenir a de quoi bousculer les esprits, mais il faut surtout comprendre ce qu’ils faisaient là. Comme le rappelle Grégoire Kauffmann, Ordre nouveau, qui souhaite se doter d’un véhicule politique officiel, propose un programme qui « tient en quelques idées-forces inspirées de la révolution conservatrice allemande de l’entre-deux-guerres et des fascismes européens : défense de l’Occident, hantise du mélange et de l’altérité, recherche d’une « troisième voie » entre communisme et capitalisme. »

Pour ceux et celles qui voudraient explorer en profondeur ces moments de l’histoire récente et les idées qui en émanent, il faut absolument lire le travail minutieux et fouillé de Nicolas Lebourg, Jonathan Preda et Joseph Beauregard : Aux racines du FN L’histoire du mouvement Ordre nouveau.

En plus de cette lecture, le troisième épisode de l’excellente série Jean Marie Le Pen, l’obsession nationale de Philippe Collin (que je vous recommande évidemment d’écouter en entier) raconte en détail les événements à l’origine de la création du Front national. Aussi, le dernier épisode de la série Histoire de l’extrême droite, des ligues au Front national, qui rassemble Magali Balent et Valérie Igounet est un incontournable pour saisir la diversité des mouvances qui se sont agglutinées afin de former ce véhicule politique. Je cite ici deux morceaux choisis de cette discussion :

« Le Front national (FN) est l’émanation du mouvement Ordre nouveau, créé en 1969, qui compte des anciens de la collaboration, de l’Organisation armée secrète (OAS), du mouvement poujadiste, de l’Action française, habitués à pratiquer un activisme violent. « On parle toujours de l’extrême droite au singulier, mais je pense que c’est une erreur parce que cette extrême droite est plurielle. C’est ce qu’on pourrait appeler une forme de nébuleuse », précise Magali Balent, maître de conférences à Sciences Po Paris. La politiste distingue deux courants dans l’extrême droite : « Celui des nationaux rassemble des pétainistes, d’anciens poujadistes, des partisans de l’Algérie française. C’est une forme d’extrême droite ultraconservatrice, traditionaliste et attachée à la nation, qui véhicule une très forte xénophobie. » En parallèle, « le courant du nationalisme révolutionnaire est beaucoup plus proche du fascisme, du nazisme, et véhicule une forme de nationalisme biologique, où la pureté du sang est fondatrice et un axe structurant. On [y] retrouve plutôt des mouvements activistes qui ne souhaitent pas participer aux élections. » 

« On était vraiment dans une violence verbale totalement désinhibée. On voulait ‘tuer les métèques’, ‘assassiner les communistes’… », rappelle l’historienne Valérie Igounet à propos de l’activisme de l’Ordre nouveau. Alors que l’extrême droite reste discréditée dans les années 1970, « il lui fallait trouver un représentant, une structure politique qui accueille ces groupuscules et qui puissent trouver des slogans, un langage plus propre, plus approprié, afin de faire l’union de l’extrême droite. » Inspirés du parti néofasciste Mouvement social italien, ces mouvements choisissent au tournant de la décennie de présenter un visage plus policé au travers d’un parti et donnent naissance au Front national en 1972. »

On voit bien qu’il suffit de s’intéresser quelques minutes à cette histoire pour constater qu’il n’est pas simplement question, dans l’intention des fondateurs du FN, de porter un « discours socialement conservateur ».

Quoi qu’il en soit, comme on le sait, le nouveau parti fera effectivement campagne lors de l’élection législative de 1973, faisant ainsi son entrée officielle dans l’histoire politique française. Dès l’année suivante, Jean-Marie Le Pen se portera pour la première fois candidat à l’élection présidentielle. À cette occasion, au journal télévisé du soir, il explique au journaliste Christian Guy la nature du projet politique qu’il représente.

[J-M Le Pen] Nous sommes la droite, oui. Nous sommes la droite populaire, qui est ancrée sur les valeurs traditionnelles qui à nos yeux ont fait les 2000 ans de notre histoire. Nous sommes la droite sociale, qui ne sépare pas l’amour de la patrie et l’amour de son peuple, nous sommes aussi la droite nationale pour qui le culte de la patrie est la forme la plus élevée entre les hommes de notre peuple.

(…) 

[Christian Guy] Vous ne pensez pas que c’est un peu prétentieux, passez-moi l’adjectif, au regard des résultats de l’extrême droite, disons, lors des dernières élections législatives, qui n’ont jamais dépassé 1 % des suffrages exprimés ?

[J-M Le Pen] À partir du moment où je vous fais l’aveu très volontiers d’être la droite, je préfère que vous ne disiez pas l’extrême droite, parce qu’en effet, il y a dans notre Front national des gens qu’on peut résolument ranger sous le titre d’extrême droite, et qui d’ailleurs en sont fiers, et il a aussi des gens de droite.

Nous voilà devant une question.

Si, comme le veut Mathieu Bock-Côté, « la seule existence avérée de l’extrême-droite est dans le discours de ceux qui prétendent la combattre », comment peut-on expliquer que selon un des fondateurs du Front national, qui en fut le président et la principale figure de proue pendant plus de quarante ans, elle existait, fièrement de surcroît, au sein d’un mouvement qu’il nommait déjà en 1974 « la droite nationale » ?

Cette question en attire une autre.

Dans la même chronique à laquelle je référais plus haut, Mathieu Bock-Côté se demande comment il faudrait qualifier aujourd’hui le Rassemblement national, digne héritier du Front national fondé en 1972. Lisons ce qu’il nous propose.

« De quelle manière les qualifier ? Je parle quant à moi de droite nationale, globalement divisée entre une tendance nationale-conservatrice et une tendance nationale-populiste. »

Loin de clarifier quoi que ce soit, ces appellations qui elles aussi mériteraient d’être définies plus avant nous posent un problème supplémentaire. Comme on vient de le voir, dans l’esprit de Jean-Marie Le Pen, « la droite nationale » permet d’unir à la fois des gens « de droite » et des gens « qu’on peut résolument ranger sous le titre d’extrême droite, et qui d’ailleurs en sont fiers ». À ce titre, Nicolas Lebourg rappelle que c’est Jean-Marie Le Pen qui, « après la fondation du Front national en 1972, popularise l’expression “droite nationale”. Il s’inspire de la tradition française des années 1930 et du parti néofasciste Mouvement social italien, devenu, en 1972, le MSI-droite nationale. À cette époque, Le Pen répète à satiété que son parti représente la “droite nationale, sociale et populaire” ».

En somme, loin de dissiper le concept d’extrême droite, l’appellation « droite nationale » permettrait de l’englober.

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Ces quelques rappels de faits historiques permettent de mettre en lumière la principale faiblesse de l’argumentaire de Mathieu Bock-Côté. En portant son regard uniquement sur « ce que dit le régime », sans jamais considérer les phénomènes observables que nous cherchons à nommer, il verrouille à double tour tout exercice de compréhension grâce à un sophisme d’observation : l’extrême droite n’existe que parce que le régime utilise cette expression comme une arme pour faire taire ses adversaires, il suffit d’observer ce que le régime dit pour s’en convaincre.

En sortant de ce raisonnement qui tourne sans fin sur lui-même, n’importe quel historien, sociologue, politologue, journaliste ou observateur de bonne foi, en portant un regard sur les événements, les discours, les comportements et les idées qui ont donné lieu à la fondation du Front national, est à même de faire un simple constat : il s’agit d’un véhicule politique qui a été créé et conçu afin de promouvoir des positions de militants d’extrême droite qui souhaitaient sortir des limites des groupuscules où ils étaient confinés pour accéder à une mobilisation de plus grande envergure au sein de la population.

Ce n’est pas, dans un premier temps, le « régime » qui a « extrême-droitisé » le Front national. Il ne s’agit pas à l’origine d’une étiquette infamante qu’un esprit malveillant a collée sur un produit pour en empêcher la vente, c’est un des principaux ingrédients de la recette telle que décrite par le cuisinier lui-même.

Revenons à la lecture de l’essai de Mathieu Bock-Côté où, il consacre quelques phrases au Front national pour évoquer un peu plus longuement la même idée qu’il nous propose dans sa chronique du Journal de Montréal.

« La référence à l’extrême-droite à la manière d’une charge polémique est inscrite dans la tradition politique française d’après-guerre. (…) Elle servira généralement à attaquer les mouvements les plus viscéralement anticommunistes, puis sera réactivée au début des années 1980 avec la percée du Front national de Jean-Marie Le Pen, théorisée à la manière du retour d’un courant politique englouti, que le discours dominant jugeait marginalisé depuis la Seconde Guerre mondiale, ou du moins, depuis la guerre d’Algérie. Cette catégorisation avait une fonction politique explicite : dans la mesure où les forces représentant le mal absolu seraient de retour, tout serait naturellement permis pour les reconduire aux enfers. Que le FN ait pris son envol en s’emparant des thèmes sacrifiés par la droite classique davantage qu’en mettant de l’avant le folklore idéologique de ses militants fondateurs les plus problématiques et les moins recommandables ne comptait apparemment pas. Furoncle démocratique, il canaliserait la part mauvaise de la société française, sa face sombre, sa tentation coupable — les provocations historiques de son chef jouèrent évidemment un rôle central dans ce refoulement aux marges de la vie publique. Mais à l’automne 2021, les choses semblaient plus compliquées. Depuis quelques années, déjà, une question tournait en boucle dans les médias : on se demandait si le RN de Marine Le Pen était toujours d’extrême-droite. Le parti, sous sa direction, s’était engagé dans une stratégie et une démarche de dédiabolisation. Le RN le répétait obstinément : il n’était plus d’extrême-droite, s’il l’avait déjà été. »

Dans ce passage, tous les phénomènes observables que j’ai mentionnés plus haut et qui permettent d’établir que le Front national a été conçu grâce à l’apport de personnalités d’extrême droite, qui étaient qualifiées comme tel sans péjoration par leur propre chef, sont réduits à un « folklore idéologique » de « militants fondateurs les plus problématiques et les moins recommandables ».

Si je comprends bien l’argument proposé par Mathieu Bock-Côté, au début des années 80, il aurait fallu mettre de côté la référence à l’extrême droite pour qualifier le Front national, puisqu’il commençait à obtenir un certain succès auprès de l’électorat grâce à des thématiques qui n’avaient plus grand-chose à voir avec quelques idées dépassées au sein du parti.

Mais qui sont au juste ces « militants fondateurs les plus problématiques et les moins recommandables » et en quoi consistait donc ce « folklore idéologique » qui aurait dû être relégué aux oubliettes ?

Encore une fois, faute d’explications de sa part, nous devrons chercher nous-mêmes les réalités observables qui se cachent sous ces mots.

Sans crainte de se tromper, on peut certainement penser à François Duprat, théoricien fondateur du Front national et parmi les concepteurs les plus influents de son cadre idéologique. Ouvertement antisémite, anticommuniste, néofasciste et négationiste, c’est notamment à lui que devait penser Jean-Marie Le Pen lorsqu’il parlait de ceux qu’on pouvait « résolument ranger sous le titre d’extrême droite » et qui en étaient fiers. Pour ceux et celles qui ne seraient pas familiers avec cet acteur central de cette période de l’histoire, cet épisode d’Affaires Sensibles, qui raconte son parcours des premiers engagements politiques jusqu’à son assassinat en 1978 lors de l’explosion de sa voiture, permet de se faire une bonne idée du personnage et de bien comprendre son rôle dans les premières années du parti.

Il faudrait nommer bien d’autres personnages sulfureux pour faire la liste des « militants fondateurs les plus problématiques et les moins recommandables » du Front national, mais le cas de Duprat est particulièrement significatif, car c’est lui qui, en bon stratège politique, a vite compris que la lutte contre le communisme n’allait pas suffire pour faire des gains électoraux et qu’il vaudrait mieux miser sur « la dénonciation de l’accaparement de l’emploi par les immigrés ». « Jusque-là, comme le rappelle Nicolas Lebourg dans son article La Fabrique du populisme. La communication du Front national, la stigmatisation de la présence immigrée par l’extrême droite a surtout résidé dans la question raciale, rebutante pour cause de mémoire de l’extermination des juifs d’Europe. Cet angle était devenu judiciairement très risqué avec le vote de la Loi Pleven en 1972. Appuyé par les radicaux, désapprouvé par les modérés, Duprat teste l’idée a l’aide de tracts diffusés par l’équipe de Militant. »

C’est à ce moment que naît le fameux slogan « 1 million de chômeurs c’est 1 million d’immigrés de trop ! » qui fera mouche. Première itération publicitaire de la préférence nationale, il s’agissait d’une stratégie pensée par François Duprat qui était alors responsable de la Commission électorale du FN. Comme le rapporte l’historienne Valérie Igounet, cette ligne de communication demeurera la même pour les campagnes électorales subséquentes, avec un slogan qu’on adaptera au gré des chiffres du jour.

« La dénonciation « sociale » de l’immigration s’impose à ce moment. En prenant cette voie, le FN entend courtiser les classes populaires tout en préservant son anticommunisme. Dès 1973, le FN prenait cette voie avec sa première affiche sur l’immigration, « Halte au chômage Le travail aux Français ». Un an plus tard, François Duprat insistait pour que le FN intègre dans ses thèmes électoraux celui de l’immigration. Pour lui, le discours du FN devait s’appuyer « exclusivement sur des arguments d’ordre rationnel, social et politique » ; le corollaire étant la disparition de tout support diffusant une propagande raciste. En 1978, ses exigences sont acceptées et formulées à partir d’une sémantique adaptée.

L’affiche connaît plusieurs « actualisations ». Après la première version de 1978, une seconde est éditée à l’identique deux ans plus tard (« 2 millions de chômeurs, ce sont 2 millions d’immigrés en trop ! La France et les Français d’abord ! »)… puis une troisième en 1982 (« 3 millions de chômeurs, ce sont 3 millions d’immigrés en trop ! La France et les Français d’abord ! »). Seuls l’adresse du FN et les chiffres changent. »

On le voit, les discours et moyens d’action des « militants fondateurs les plus problématiques et les moins recommandables » du Front national ne peuvent d’aucune manière être rangés, au début des années 80, dans la case du « folklore idéologique », comme s’il s’agissait de vieilleries pittoresques auxquelles plus personne, ou presque, n’accordait d’importance. Ce sont les éléments radicaux, François Duprat au premier chef, qui ont élaboré ces messages en 1978. « C’est bien le tenant de l’aile radicale, indique François Lebourg, qui recherche une pondération. Cette problématique est permanente : comment amadouer mots et images, d’une part pour qu’ils n’effraient pas l’électorat modéré, d’autre part afin de structurer les militants pour qu’ils ne produisent pas de scandales ? »

L’idée que l’élaboration d’une telle stratégie puisse se résumer, à l’époque où elle s’est mise en place, à une forme de « folklore idéologique » doit être écartée.

Il est d’ailleurs utile de noter au passage que dans le premier rapport produit par les militants d’Ordre nouveau en 1972 afin de déployer les arguments justifiant la fondation du Front national et la stratégie électoraliste, on insistait sur l’importance d’écarter « les fossiles vivants qui évoquent à tout instant le nazisme ou le Front populaire ». « Assez de folklore » écrivaient-ils « La révolution n’est pas un bal costumé, ni un exutoire pour mythomanes. ». En d’autres termes, la création du Front national était elle-même, dans son essence, une opération de dé-folklorisation.

Ce que les militants les moins recommandables comme François Duprat ont mis en place dès la fondation du Front national, c’est un lexique, un cadre de référence qui devait perdurer, un modus operandi qui s’inscrivait dans une histoire qui les précédait et qui avait pour vocation de leur survivre. Ils prenaient part à la continuation d’une tradition politique et, comme on va le voir à l’instant, aussi « problématique » qu’il pouvait être, en mourant assassiné en 1978, la figure de François Duprat allait donner lieu à un rituel permettant de réaffirmer périodiquement « l’extrême droite » comme principe fondateur du Front national.

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Après la mort de François Duprat, pendant quelques années, au jour anniversaire de son assassinat, Jean-Marie Le Pen s’est rendu au cimetière Montmartre pour déposer une gerbe de fleurs sur la pierre tombale marquée d’une croix celtique, symbole qui fut le logo d’Ordre nouveau. Il n’y a là, en soi, sur le plan personnel, rien de répréhensible ou d’étonnant. Marquer un temps d’arrêt et de recueillement pour souligner le décès tragique d’un ancien collègue et camarade de lutte, ça semble aller de soi. Toutefois, à au moins deux occasions, en 1998 et en 2008, lors des commémorations du 20e et du 30e anniversaire, ce rituel a donné lieu à un discours de nature politique qui, dans le cadre de la réflexion qui nous occupe présentement, est riche de signification.

En 1998, je n’ai pas réussi à trouver le texte complet de l’allocution de Jean-Marie Le Pen, mais les comptes rendus qu’on peut lire rapportent qu’en pleine campagne électorale régionale, le président du Front national a voulu souligner l’engagement de son « bon camarade » qui, selon ses propres mots, était « un militant nationaliste ardent, qui avait participé à la rédaction d’à peu près tous les journaux de droite et d’extrême droite ». Ses allégeances « nationale-révolutionnaire » représentaient « une nuance qui participait, dans le fond, à l’éventail des opinions, généralement proscrites, représentées au sein du Front national ».

En 2008, nous avons accès à un enregistrement de son discours à la mémoire de François Duprat. Écoutons ce qu’il nous dit.

« François Duprat avait milité dans les partis d’extrême droite, à Occident puis à Ordre nouveau et pendant la brève période où Ordre nouveau avait participé au Front national il était de ceux qui prônaient la dissolution d’Ordre nouveau dans le Front national. Au moment de la rupture, il est avec Alain Renault, qui allait devenir secrétaire général du Front national et il a été de ceux qui sont restés au Front national. (…) François a été un homme courageux, un militant exemplaire, engagé jusqu’à la mort, on peut le dire, dans les combats pour son pays, pour le peuple et pour la nation française. Et à ce titre, il est évidemment un héros de notre combat, qui en a compté de nombreux dont certains sont anonymes. »

Ainsi donc, pendant près de quarante ans, de 1973 à 2008, celui qui présidait le Front national depuis sa fondation, qui avait la garde du discours officiel du parti et qui avait mainmise et un pouvoir décisionnel sur tous les aspects de ses communications, n’hésitait pas à mentionner explicitement et sans hésitation « l’extrême droite » comme une mouvance politique respectable, qui avait joué un rôle fondateur et formateur au sein du parti. On pouvait, selon lui, être en même temps un militant d’extrême droite et un « militant respectable » voire même devenir un « héros de notre combat ».

Il faut même aller plus loin. Pour Jean-Marie Le Pen, reconnaître l’héritage de Duprat, militant d’extrême droite, a fait office de rituel de passage pour ceux et celles qui se joignent au parti. Toujours dans les années 80, lorsque le FN commence à connaître des succès électoraux, alors que Mathieu Bock-Côté considère que les militants fondateurs du FN doivent être relégués au folklore, Nicolas Lebourg rapporte les événements suivants.

« En 1986, le Front national a 35 députés. C’est le mieux qu’il n’ait jamais fait dans son histoire. C’est beaucoup de transfuges de la droite qui sont venus profiter de l’étiquette FN pour se faire élire. Que fait Jean-Marie Le Pen ? Il les emmène tous au cimetière de Montmartre se pencher sur la tombe de François Duprat et il leur dit, vous venez de franchir le Rubicon. Vous nous avez rejoint, vous devez être solidaire de tout, y compris d’un homme aussi sulfureux que François Duprat. Vous avez rejoint le Front national, c’est grâce à lui que vous êtes élu, vous ne pouvez plus sortir de là, vous ne pourrez plus revenir à droite. »

Je dois préciser que ce récit proposé par Nicolas Lebourg demeure sujet à caution. En 2022, dans Libération, le journaliste Nicolas Massol rapportait que parmi les 35 nouveaux élus du RN, seulement une vingtaine se seraient présentés au cimetière. Chose certaine, le rituel a bel et bien eu lieu.

Disons les choses clairement, comme elles se présentent : pour Jean-Marie Le Pen et le Front national, l’étiquette « extrême droite », pendant au moins les 40 premières années de son existence, n’était pas en soi infamante. Elle pouvait être une marque de fierté et de reconnaissance.

Est-ce que Jean-Marie Le Pen, en parlant de son propre parti qu’il a connu mieux que quiconque, doit être rangé, comme le veut Mathieu Bock-Côté, parmi ceux qui parlent d’extrême droite et qui ne comprennent rien à rien ?

Je vais laisser cette question ouverte.

._._._.

Nous arrivons à destination. Je viens de coucher sur le papier plus de 5000 mots pour réfuter un argument de Mathieu Bock-Côté qui tient en quelques phrases et qui vise à nous convaincre que « La seule existence avérée de l’extrême-droite est dans le discours de ceux qui prétendent la combattre ». Un tel exercice de lecture donne un peu le vertige.

J’aurais pu en écrire mille autres pour démontrer comment, lorsqu’il rapporte les usages de l’expression « extrême droite » dans ce qu’il considère comme étant la parole du « régime », jamais il ne juge opportun de porter notre attention sur les phénomènes observables qui ont donné lieu à ce discours.

Un autre exemple aurait mérité toute une dissertation. Je le mentionne brièvement. Quelques pages plus loin, c’est Éric Zemmour qui est présenté comme une victime supplémentaire du régime. « C’est à travers ses réflexions malheureuses et plus que regrettables sur la Seconde Guerre mondiale, écrit-il, que le régime parvint à reconduire le procès en extrême-droitisation — la presse de gauche, débordant d’imagination pour le caractériser, lui colla même un temps l’étiquette de candidat pétainiste. » (Le totalitarisme sans le goulag, p.52)

On voit ici le même procédé rhétorique qui est à l’œuvre. Quelles étaient donc « ces réflexions malheureuses et plus que regrettables » ? Eric Zemmour soutient depuis des années l’idée que le régime de Vichy et le maréchal Pétain ont protégé les juifs français. Aurait-il fallu éviter de classer un tel discours dans la case de l’extrême droite ? Peut-être. Qu’aurait-il fallu dire alors ? Parler de révisionnisme historique dans l’espoir de raviver une fierté nationale en bricolant des héros avec des contrevérités ? Il ne s’agit pas, en tout cas, de simples réflexions sur « la Seconde Guerre mondiale », mais bien plutôt, très précisément, sur l’holocauste. Chose certaine, Eric Zemmour n’a pas eu besoin du « régime » pour se pétainiser, il s’est bien débrouillé par lui-même. Ce sont des historiens comme Jacques Semelin et Robert Paxton qui, questionnés par les médias, ont remis les pendules à l’heure. Des agents du « régime », sans doute.

On n’arrive d’ailleurs jamais à bien comprendre où commence et où se termine ce « régime » en voie de devenir totalitaire que Mathieu Bock-Côté ne cesse de faire intervenir. Tout au long de son exposé, il déballe un amas de choses dites, lues ou entendues, comme si son travail consistait à collectionner les découpures de presse. Là un historien, là une journaliste en entrevue avec Marine Le Pen, là un politicien qui en attaque une autre, là encore c’est Patrick Lagacé, chroniqueur québécois, qui commente les manifestations contre les Drag Queens qui lisent des contes aux enfants. Tout cela, comprend-on, doit tenir ensemble sous l’étiquette du « discours du régime », peu importe l’intention, le lieu ou le moment, sans même prendre la peine d’aller vérifier la nature des faits observables, sous prétexte que les mots « extrême droite » ont été prononcés ou écrits.

À procéder ainsi, en accumulant les usages d’une expression jusqu’à plus soif, on ne réfléchit pas en profondeur, on surenchérit dans l’épaisseur.

Qu’on veuille m’expliquer que le concept d’extrême droite est trop souvent employé à tort et à travers, comme une insulte afin de disqualifier un adversaire et le rendre infréquentable, je veux bien. J’ai peine à y voir une découverte. C’est peut-être d’ailleurs, s’il en est un, le plus vieux sophisme du monde. À ce titre, la stalinisation et la goulagisation, dont Mathieu Bock-Côté fait abondamment usage, font partie du même genre d’attirail argumentaire.

Qu’il soit possible, dans les médias, le commentariat et le marketing politique, de trouver une multitude de déclarations à l’emporte-pièce livrées par des protagonistes qui peinent à définir l’objet de leur critique pour diaboliser un adversaire, je n’y vois rien de bien nouveau. Ce qui est étonnant, c’est plutôt qu’on puisse voir dans ce constat autre chose qu’un truisme.

Il faut bien évidemment lutter contre de tels abus de langages qui pavent la voie à la désinformation, à la surenchère de « faits alternatifs » et à la détérioration, à force de tromperies et de mensonges, de la vie démocratique. Or, dans ce combat, le seul outil efficace dont nous disposons, c’est le travail long et patient de vérification et de compréhension des dynamiques sociales et des événements qui sont portés à notre attention. Je me permets de revenir sur les quelques mots que j’écrivais en commençant cet exercice de lecture : qui a dit quoi ? Pourquoi ? Dans quel contexte ? Avec quelle intention ? Quelles sources peut-on consulter ? Comment départager les parts de récits vraisemblables, douteuses, sujettes à caution et avérées ? Quelles interprétations peut-on en tirer ? Avec quelles conséquences ?

Le procédé rhétorique employé par Mathieu Bock-Côté, qui consiste à ne considérer que ce que le régime dit, sans se donner la peine d’exposer en détail la nature des faits sur lesquels porte ce discours, nous mène à un portrait manchot de nos sociétés : ce qui est qualifié d’extrême droite n’est doté d’aucune force active. Tout se passe alors comme si les mouvements, les individus et les idées recevaient passivement ce qualificatif de la part d’un « régime », évidemment campé à gauche, qui, lui seul, aurait la capacité d’agir. Il suffit de regarder les dynamiques politiques et sociales contemporaines en occident pour douter fortement qu’une telle conception du monde puisse être considérée comme le fruit d’un travail sociologique visant la compréhension. Il s’agit, plus justement, d’une construction idéologique qui a pour vocation de prendre part à un combat et je suis loin d’être convaincu qu’à moyen terme ce sont les forces « diversitaires » qui gagneront.


Simon Jodoin est auteur, chroniqueur et éditeur. Après des études en philosophie et en théologie à l’Université de Montréal, il a pris part à la réalisation de divers projets médiatiques et culturels, notamment à titre de rédacteur en chef du magazine culturel VOIR. Il est désormais éditeur de Tour du Québec et chroniqueur régulier au 15-18 sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première. Il est l'auteur du livre Qui vivra par le like périra par le like, un témoignage au tribunal des médias sociaux.

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