Tous contre les intellos!
Conversations de salon entre Marie-Pier et Pierre-Marie
Pierre-Marie: « On se donne le go, on se donne Legault! » Y manquent pas de culot, eux autres!
Marie-Pierre: Tu radotes ce matin?
Pierre-Marie: Hein?
Marie-Pierre: C’est des vieilles affaires, ça.
Pierre-Marie: Je sais. J’en suis pas revenu.
Marie-Pierre: Pour ce tour-ci, tu devrais plutôt dire : « Legault pour tous, sauf les intellos! »
Pierre-Marie: Ah ben oui! Ça ferait un beau slogan.
Marie-Pierre: T’es sérieux?
Pierre-Marie: Ben, faut que t’avoues que ce serait payant au niveau politique.
Marie-Pierre: Je peux pas croire.
Pierre-Marie: C’est clair! C’est le jackpot : il a trouvé un groupe sur qui tu peux taper sans que personne se sente offensé, ou alors juste une petite poignée insignifiante.
Marie-Pierre: Ouais… Pis en disant ça, tu te présentes comme le gars du peuple. Tu rejoins une grosse majorité. C’est navrant.
Pierre-Marie: C’est quand même génial. Même la classe politique tombe dans le piège!
Marie-Pierre: Quoi?
Pierre-Marie: Regarde : Pascal Bérubé, député sortant de Matane-Matapédia, en entrevue à La Presse : « De dire ça d’une façon aussi cavalière, que ça intéresse seulement quelques personnes, quelques intellectuels… je veux dire, on a le droit de réfléchir. Il y a deux de ses ministres qui ont écrit des livres, moi je les ai lus, je trouvais ça intéressant. Est-ce que ça fait de moi un intellectuel ? Bon. » En gros, le gars dit candidement qu’il faut pas juger ceux qui « réfléchissent, » mais en même temps, il ne remet pas en question la critique contre les intellectuels. Y veut juste pas qu’on l’associe à eux!
Marie-Pierre: Faudrait surtout pas! Heille! Un intellectuel! Au bûcher! « Je lis. J’ai le droit de réfléchir, mais surtout, sautez pas aux conclusions! C’est pas pour autant que je suis un maudit intellectuel!»
Pierre-Marie: Tu vois? T’as tout compris. T’es prête pour te présenter aux élections. Moi, je vote pour toi.
Marie-Pierre: T’es con.
Pierre-Marie: Tant que tu me traites pas d’intellectuel, j’ai espoir.
Marie-Pierre: C’est quand même navrant.
Pierre-Marie: Là, c’est toi qui radotes avec tes « navrant » d’intello.
Marie-Pierre: Mais avoue!
Pierre-Marie: Avoue quoi?
Marie-Pierre: Ça te révolte pas que le Premier ministre, la classe politique, nos dirigeants, soient aussi méprisants à l’égard des personnes dont la fonction c’est de réfléchir, de se servir de leur cerveau, dans ses capacités intellectuelles? Comment ça que c’est aussi péjoratif chez nous d’être intellectuel? Ça fait peur?
Pierre-Marie: Ça vient de loin.
Marie-Pierre: D’où???!
Pierre-Marie: Mmmm… Je sais pas trop.
Marie-Pierre Ça mériterait une réflexion…?
Pierre-Marie: Ah! Très drôle.
Marie-Pierre: Je ris pas, par contre. Ça me déprime.
Pierre-Marie: Ben, c’est pas la fin du monde non plus. Y’a des choses plus graves dans la vie que de cracher sur les intellos. C’est parce que tu te sens visée?
Marie-Pierre: Tout le monde devrait se sentir visé! C’est ça qui m’inquiète: que tout le monde s’en fout. On devrait vouloir que la classe politique soit intellectuelle. Pis on devrait vouloir que les intellectuels de notre société, en politique ou ailleurs, remettent en question, critiquent, soulèvent les incohérences, analysent… Surtout si, collectivement, on n’a pas le goût, l’envie, le temps ou les capacités de le faire. Au lieu de dénigrer ceux qui le font, on devrait être soulagé de pouvoir compter sur eux.
Pierre-Marie: Ça va? On dirait que tu t’emportes…
Marie-Pierre: Après ça, on s’étonne que ce soit difficile de convaincre les gens articulés et réfléchis de faire le saut en politique. C’est comme si on avait collectivement peur des nuances, de la complexité…
Pierre-Marie: En attendant, Legault est loin d’être con. Il maintient le mode de scrutin en place au lieu de proposer un mode proportionnel. Ça l’avantage maintenant qu’il est au pouvoir. Pis en plus, il enfonce le clou de sa carte du gars populaire.
Marie-Pierre: Tu me décourages.
Pierre-Marie: Continue de réfléchir, tu trouveras peut-être une solution!
Maude Choko est avocate experte en droit du travail, des arts et du divertissement, et également active dans le milieu artistique. Poussée par le désir de raconter des histoires, elle a écrit et produit plusieurs courts métrages, une série web et des pièces de théâtre.
3 Commentaires
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Effectivement! On avait posé la même réflexion lors de la grève étudiante de 2012, quand Jean-Charest dénigrait les étudiants, surtout ceux en sciences sociales, dont la job était de « pousser des crayons ».
[…] faire traiter d’intellectuel est devenu une insulte, au Québec. Ou en tout cas, même les politiciens éduqués ne veulent surtout pas qu’on les […]
[…] faire traiter d’intellectuel est devenu une insulte, au Québec. Ou en tout cas, même les politiciens éduqués ne veulent surtout pas qu’on les […]